Eternels - Tome 2 - Premier chapitre en exclusivité !!!

Publié le par Laetitia

Avis à tout les fan d'Eternels !!! Comme vous le savez la sortie de Lune Bleue - le tome 2 d'Eternels est prévu pour Mars... Mais moi j'ai l'honneur de vous offrir en exclusivité les premiers chapitres de Lune Bleue !! J'espère que cela vous faira plaisir !!! En tout cas très bonne lecture !!
Mais avant je remercie les éditions Michel Laffon, plus particulièrement Dorothy, et Silvana, qui m'ont permis d'avoir les chapitres en exclusivité !



un
– Ferme les yeux et visualise. Tu y es ?
Je hoche la tête, les yeux clos.
– Imagine-le, juste devant toi. Tu dois voir sa forme,
sa texture, sa couleur.
Je me concentre.
– Bon, maintenant, tends la main pour l’effleurer. Tu
dois sentir son contour du bout des doigts, le soupeser
dans ta main, conjuguer tous tes sens, le toucher, la vue,
l’odorat, le goût – tu en perçois le goût ?
Je me mords les lèvres pour ne pas pouffer de rire.
– Parfait. Maintenant, associe le toucher. Fais comme
s’il existait devant toi. Sens-le, vois-le, goûte-le, accepte-le,
exprime-le !
J’obéis, mais en l’entendant ronchonner j’ouvre les yeux.
– Ever, tu étais censée penser à un citron. Rien à voir
avec cela.
J’éclate de rire en examinant tour à tour les deux Damen
– la réplique que je viens de créer et la version en chair et
en os. Grands, bruns, d’une séduction presque irréelle.
– Non, en effet. Il n’y a rien de fruité chez lui.
Le vrai Damen pose sur moi un regard fâché. Mais c’est
raté, car ses yeux remplis d’amour le trahissent.
– Que vais-je faire de toi ?
J’observe mes deux amoureux, le vrai et le faux.
– Hum, voyons voir... m’embrasser, peut-être ? Mais si
tu es trop occupé, je peux toujours lui demander de te
remplacer....
Le faux Damen m’adresse un clin d’oeil, je réprime un
fou rire. Ses contours s’estompent déjà.
Le vrai Damen ne rit pas.
– Ever, un peu de sérieux, s’il te plaît. Tu as encore
tant de choses à apprendre !
Je tapote le lit à côté de moi, espérant l’inciter à venir
me rejoindre.
– Ce n’est pas le temps qui nous manque, non ?
Une onde de chaleur me parcourt l’échine quand il me
regarde. J’ai le souffle coupé. Je me demande si je m’habituerai
jamais à sa beauté, sa peau mate et veloutée, ses
cheveux noir de jais, ses traits admirables, son corps mince
comme sculpté, ses yeux pareils à des puits insondables
– le yin idéal de mon yang blond pâle.
– Reconnais tout de même que je suis une élève très
enthousiaste !
Il s’approche, incapable de résister à la mystérieuse
attraction qui nous pousse l’un vers l’autre.
– Je dirais même insatiable, renchérit-il.
J’attends avec impatience les moments où nous sommes
seuls, où je n’ai pas à le partager avec qui que ce soit. Et
savoir que nous avons l’éternité devant nous ne fait aucune
différence.
– J’essaie de rattraper le temps perdu.
Damen se penche pour m’embrasser, oubliant complètement
notre leçon – le pouvoir de matérialisation, la
vision à distance, la télépathie... – pour quelque chose de
bien plus concret et d’immédiat. Il me renverse sur les
oreillers, s’allonge sur moi, et nous nous fondons l’un dans
l’autre comme deux sarments de vigne se dorant au soleil.
Ses doigts se glissent sous mon tee-shirt et me caressent
le ventre en remontant vers mon soutien-gorge.
– Je t’aime, je chuchote au creux de son oreille.
Des mots que j’ai longtemps gardés pour moi. Mais
depuis que je les ai prononcés, c’est à croire que je ne sais
plus rien dire d’autre.
Avec un gémissement étouffé, il dégrafe mon soutiengorge
sans effort, sans maladresse ni tâtonnement.
Ses gestes ont une grâce, une perfection infinies.
Un peu trop, peut-être.
Sa respiration est haletante et ses yeux cherchent les
miens avec cette expression tendue, concentrée que je
connais si bien.
Je le repousse.
– Qu’y a-t-il ?
– Rien.
Je lui tourne le dos et rajuste mon tee-shirt. Heureusement
qu’il m’a appris à dissimuler mes pensées, la seule
façon que j’aie de lui mentir.
Il se relève et arpente la chambre, me privant de ses
enivrantes caresses et de la chaleur de son regard. Il s’arrête
enfin, et je m’attends à ce qui va suivre. Nous en avons
parlé mille fois.
– Écoute, Ever, je ne veux pas de te bousculer, je
t’assure. Mais il va bien falloir que tu t’y fasses et que tu
m’acceptes tel que je suis. Je peux matérialiser tout ce que
tu désires, t’envoyer des pensées et des images par télépathie
quand nous sommes séparés, t’emmener dans l’Été
perpétuel si tu en as envie. Mais je suis incapable de modifier
le passé. Le passé est le passé.
Je détourne la tête. J’ai honte. Je n’arrive pas à dissimuler
mes jalousies ni à surmonter mes faiblesses, qui sont
si transparentes, si évidentes qu’il ne sert à rien de les
camoufler derrière un bouclier psychique. Voilà six siècles
que Damen étudie la nature humaine – y compris mon
comportement – et moi, dix-sept ans à peine.
Je triture un coin de mon oreiller.
– J’ai juste... J’ai besoin d’un peu de temps pour
m’habituer.
Dire que moins de trois semaines plus tôt j’ai tué son
ex-femme, lui ai avoué mon amour et ai scellé mon destin
en devenant immortelle !
Damen pince les lèvres d’un air de doute. Nous sommes
à un mètre à peine l’un de l’autre, mais on dirait qu’un
abîme nous sépare.
– Je parle de cette vie-ci, je reprends d’une voix aiguë
et précipitée, m’efforçant de briser le silence et de détendre
l’atmosphère. Et si je fais l’impasse sur mes vies passées,
c’est la seule expérience que j’ai. Il me faut encore un peu
de temps, d’accord ?
Je soupire de soulagement lorsqu’il s’assoit près de moi
et effleure du doigt l’endroit où se trouvait ma cicatrice.
– Ce n’est pas le temps qui nous manque.
Il me caresse la joue et dépose une pluie de petits baisers
sur mon front, mon nez, ma bouche.
Je me sens défaillir dans ses bras, quand il me presse
brièvement la main et gagne la porte, abandonnant derrière
lui une magnifique tulipe rouge.

deux
Damen sait toujours le moment exact où ma tante
Sabine s’engage dans la rue et approche de la maison. Mais
telle n’est pas la raison de son départ. La vraie raison, c’est
moi.
Parce qu’il me cherche depuis des siècles sous mes différentes
incarnations, afin que nous puissions vivre
ensemble.
Sauf que nous n’avons jamais vraiment vécu ensemble.
Ce n’est jamais arrivé.
Apparemment, chaque fois que nous étions sur le point
de passer aux choses sérieuses et de consommer notre
amour, son ex-femme Drina se débrouillait pour me trucider.
Mais maintenant que je l’ai tuée, terrassée d’un seul
coup en plein coeur – en admettant qu’elle en ait eu un –,
plus aucun obstacle ne se dresse entre nous. À part moi.
J’ai beau aimer Damen de toute mon âme et mourir
d’envie d’aller jusqu’au bout, je ne peux m’empêcher de
penser à ces six cents dernières années.
À la façon dont il a choisi de les passer. Plutôt excentrique,
de son propre aveu.
Et avec qui. Outre son ex-femme Drina, il y en a eu
beaucoup d’autres.
Bref, je l’avoue, cela ne m’inspire guère confiance.
Pas du tout, devrais-je dire. Comment voulez-vous que
les rares garçons que j’ai embrassés puissent rivaliser avec
six siècles de conquêtes ?
Je sais, c’est ridicule, puisque Damen m’aime depuis
une éternité. Mais le coeur et la raison ne font pas toujours
bon ménage.
Dans mon cas, c’est à peine s’ils s’adressent la parole,
c’est tout dire.
Quand il vient à la maison pour ma leçon, je me
débrouille pour que cela se termine en séance de câlins
prolongée, dans l’espoir que cette fois sera la bonne.
Et je finis invariablement par le repousser, comme la
pire des allumeuses.
En fait, il a raison. On ne peut pas changer le passé.
Ce qui est fait est fait. Impossible de rembobiner et de
recommencer.
La vie continue.
Un grand bond en avant, sans hésitation, sans un regard
en arrière.
Oublier le passé et avancer gaiement vers l’avenir.
Si seulement c’était aussi simple !
– Ever ?
J’entends Sabine monter l’escalier, et me précipite dans
ma chambre pour la ranger un peu, avant de m’asseoir à
mon bureau et feindre de travailler.
– Tu es encore debout ? demande-t-elle en passant la
tête dans l’embrasure de la porte.
Son tailleur est froissé, ses cheveux filasse et ses yeux
rougis sont fatigués, mais son aura dégage une jolie nuance
verte.
Je repousse mon ordinateur portable.
– Je finissais mes devoirs.
– Tu as dîné ?
Elle s’appuie contre le chambranle de la porte, les paupières
plissées, l’air soupçonneux. Son aura s’avance vers
moi – le détecteur de mensonge qui l’accompagne partout
à son insu.
Je hoche la tête en souriant, mais je sais bien que ça
sonne faux.
– Bien sûr.
Je déteste mentir. Surtout à Sabine, après ce qu’elle a
fait pour moi. Elle m’a hébergée après l’accident où ma
famille a trouvé la mort. Rien ne l’y obligeait. Même si
c’est ma seule parente, elle pouvait parfaitement refuser.
Et je suis à peu près certaine qu’elle le regrette la plupart
du temps. Sa vie était beaucoup plus simple avant mon
intrusion dans son existence.
– Je voulais dire, autre chose que cette boisson.
Du menton, elle désigne la bouteille posée sur mon
bureau, ce liquide d’un rouge opalescent au goût amer que
je déteste un peu moins qu’avant. Heureusement, vu que,
d’après Damen, je vais devoir en boire pour l’éternité. Je
peux encore manger comme tout le monde, mais je n’en
ai plus envie. Mon élixir d’immortalité m’apporte les
nutriments nécessaires, et quelle que soit la quantité
absorbée, je suis toujours rassasiée.
Cela dit, je sais exactement ce qu’elle pense. Pas seulement
parce que je peux lire dans son esprit, mais aussi
parce que je me disais précisément la même chose concernant
Damen. J’étais agacée de le voir chipoter dans son
assiette en faisant semblant de manger. Jusqu’au jour où
j’ai découvert son secret.
– Oui, j’ai grignoté quelque chose tout à l’heure.
Je m’efforce de ne pas serrer les lèvres, ni regarder ailleurs
ou froncer les sourcils – ces tics nerveux qui me
trahissent invariablement.
– Avec Miles et Haven, j’ajoute, même si je sais qu’il
est suspect de donner trop de détails, comme un clignotant
rouge pour dire « Attention, mensonge ! ». D’autant
que Sabine est avocate, l’une des meilleures de son cabinet,
ce qui explique son habileté à démasquer les mensonges.
Un don qu’elle réserve à sa sphère professionnelle. Dans
la vie privée, elle choisit plutôt de faire confiance.
Mais ce soir, elle ne croit pas un mot de ce que je dis.
– Je m’inquiète pour toi, tu sais.
Je fais pivoter ma chaise et prends l’air le plus innocent
du monde.
– Mais je vais bien, vraiment ! J’ai de bonnes notes, des
amis formidables, et avec Damen, c’est...
Je m’interromps. Je ne lui ai encore jamais parlé de
notre relation. Je ne l’ai d’ailleurs même pas vraiment
définie. En fait, c’est un sujet presque tabou. Mais maintenant
que j’ai commencé, je ne sais pas comment m’en
dépêtrer.
Le qualifier de « petit ami » me paraît en effet tellement
trivial au regard de notre passé, notre présent et notre
avenir ! Notre histoire commune représente tellement
plus ! En même temps, je ne vais pas crier sur les toits que
nous sommes des âmes soeurs pour l’éternité. Cela ferait
désordre. En réalité, je ne tiens pas à clarifier notre relation,
car je ne sais toujours pas qu’en penser. Et puis,
comment l’expliquer ? Voilà des siècles que nous nous
aimons, mais nous ne sommes toujours pas passés à l’acte !
– Bon, disons que tout va bien avec Damen.
Je n’en crois pas mes oreilles. J’ai dit « bien » au lieu de
« génial »... C’est peut-être la seule vérité que j’aie énoncée
de la journée.
Ma tante pose sa mallette de cuir marron par terre et
me dévisage. Je suis tombée à pieds joints dans le piège.
– Ah bon, il était là ?
J’acquiesce. Quelle mauvaise idée d’avoir insisté pour
nous rencontrer ici plutôt que chez lui, comme il l’avait
suggéré au départ !
– Il me semblait bien avoir vu sa voiture démarrer en
trombe.
Elle observe mon lit en désordre, les oreillers éparpillés
un peu partout, la couette froissée. Je sais ce qui va suivre.
– Ever, je suis vraiment désolée de n’être pas assez présente.
Je sais que le courant ne passe pas toujours entre
nous, mais sache que je suis à ta disposition si tu as besoin
de parler.
Je serre les dents. Elle n’a pas terminé, mais si je ne
réponds pas et feins d’être d’accord, peut-être qu’elle va
abréger.
– Tu me diras que je suis trop vieille pour te
comprendre. Je n’ai pas oublié comment je me comportais
à ton âge, tu sais, ni à quel point on a envie de ressembler
aux mannequins, aux actrices, à ces images inaccessibles
qu’on voit à la télévision.
J’avale ma salive et détourne les yeux. Surtout ne pas
réagir, ni essayer de me justifier. J’ai intérêt à ce qu’elle y
croie, au moins elle ne soupçonnera pas la vérité.
Depuis que j’ai été exclue de l’école, ma tante me surveille
comme jamais. Elle s’est procuré une série de guides,
du genre : Comment élever un adolescent sain d’esprit dans
ce monde de brutes ? ou Votre ado et les médias – et tout ce
que vous devez savoir pour pouvoir l’aider. Bref, c’est mille
fois pire qu’avant. Elle a dû marquer et surligner les
comportements adolescents les plus inquiétants, et ne cesse
de m’observer pour détecter d’éventuels symptômes.
– Tu es très belle, bien plus que moi à ton âge, reprendelle.
T’affamer pour singer des stars squelettiques qui passent
la moitié de leur vie en cure de désintoxication est
non seulement déraisonnable et irréaliste, mais aussi le
meilleur moyen de te ruiner la santé.
Elle me lance un regard appuyé, comme pour donner
plus de poids à ses paroles.
– Tu es parfaite telle que tu es, poursuit-elle. Te voir
te martyriser de la sorte me navre. Si c’est à cause de
Damen, alors sache que...
– Je ne suis ni anorexique ni boulimique. Je n’ai pas
entrepris de régime débile. Je ne me prive pas de nourriture,
je n’essaie pas de faire du 34 ou d’imiter les jumelles
Olsen. Sérieusement, Sabine, ai-je vraiment l’air de
dépérir ?
Je me lève pour qu’elle puisse m’admirer dans mon jean
slim. Loin de dépérir, j’ai l’impression d’avoir pris du
muscle, au contraire.
Sabine me détaille de la tête aux pieds, en commençant
par le sommet de mon crâne pour descendre jusqu’aux
orteils en passant par mes chevilles pâles. Elles sont visibles
depuis que mon jean préféré est devenu trop court. D’ailleurs,
je roule le bas pour que ça ait l’air plus naturel.
Sabine reste sans voix devant ces preuves irréfutables.
– Mais tu ne manges pratiquement plus rien, et tu bois
sans arrêt ce truc rouge...
– Donc, tu as pensé qu’après avoir sombré dans l’alcoolisme
je souffrais d’anorexie ?
J’éclate de rire pour lui montrer que je ne suis pas
fâchée. Un peu vexée, peut-être. C’est à moi-même que
j’en veux, pas à elle. J’aurais dû me montrer plus prudente
et faire semblant de me nourrir.
– Ne t’inquiète pas, j’ajoute avec un sourire. Je n’ai pas
non plus l’intention de prendre de la drogue, d’en dealer
ou de martyriser mon corps, de pratiquer la scarification,
les coupures et autres brûlures, ou ce qui figure au palmarès
de la semaine dans la catégorie des dix comportements
les plus bizarres de votre adolescent. Et puis tu sais,
si je bois cette boisson rouge, c’est parce que c’est bon, et
pas pour devenir maigre comme une star ou pour plaire à
Damen. D’autant que Damen m’aime et m’accepte telle
que je...
Voilà que je m’aventure sur un terrain glissant. Je lève
la main sans laisser à Sabine le temps de formuler les mots
qui se bousculent dans sa tête :
– Non, non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Damen
et moi, nous... disons que nous sortons ensemble, c’est
tout.
Enfin, pour le moment...
On s’embrasse, on est copain-copine, amis-amants, liés
pour l’éternité...
Son expression pincée fait écho à mon malaise. Elle a
encore moins envie que moi de s’étendre sur le sujet, mais
elle croit que c’est son devoir.
– Ever, je ne voulais pas insinuer...
Elle s’interrompt en haussant les épaules. Nous savons
très bien toutes deux ce qu’elle voulait dire.
Je suis tellement soulagée de m’en être relativement bien
tirée que je suis prise au dépourvu, quand elle lance :
– Puisque tu as l’air de tenir à ce jeune homme,
j’aimerais le connaître mieux. Pourquoi n’irions-nous pas
dîner tous les trois ? Que dirais-tu de ce week-end ?
Ce week-end ?
J’en ai le souffle coupé. Je vois clair dans son jeu, elle
veut faire d’une pierre deux coups. C’est l’occasion rêvée
de me forcer à engloutir un vrai repas tout en cuisinant
Damen.
– Excellente idée. Mais il y a la pièce de Miles vendredi
soir, j’objecte en luttant pour garder mon sang-froid.
Après, on a prévu une fête. Ça risque de se terminer très
tard, tu vois...
Sabine me regarde avec une acuité qui me donne froid
dans le dos.
Il n’y a pas moyen d’y couper, je le sais, mais autant
que ce soit le plus tard possible. J’adore Sabine et Damen,
mais je ne suis pas certaine de les aimer tous les deux en
même temps, surtout lorsque l’interrogatoire aura
commencé.
Elle hoche la tête avant de tourner les talons. Je
commençais à souffler, quand elle me jette par-dessus son
épaule :
– Bon, puisque vendredi te semble impossible, il nous
reste encore samedi. Propose donc à Damen de passer vers
vingt heures. D’accord ?

trois
Malgré un réveil tardif, le lendemain je me débrouille
pour arriver chez Miles pile à l’heure. Probablement parce
qu’il me faut beaucoup moins de temps pour me préparer,
maintenant que Riley n’est plus là pour me distraire.
C’était agaçant de la voir perchée sur ma commode,
déguisée comme pour Halloween, à me bombarder de
questions à propos de mes amours ou à se moquer de mes
tenues. Mais depuis que je l’ai convaincue de traverser le
pont pour rejoindre nos parents et Caramel qui l’attendaient
de l’autre côté, je ne l’ai plus revue.
Cela signifie qu’elle avait raison. Je ne peux voir que les
âmes restées de ce côté, pas celles qui ont traversé.
Comme chaque fois que je pense à Riley, ma gorge se
serre et les yeux me piquent. Je me demande si je m’habituerai
jamais à son départ définitif. Je devrais pourtant
avoir compris que lorsqu’on perd quelqu’un, le sentiment
de manque ne nous quitte jamais vraiment. Il faut
apprendre à vivre avec le vide laissé par l’absent.
Je m’essuie les yeux en me garant dans l’allée, devant la
maison de Miles. Je repense à la promesse de Riley de
m’envoyer un signe pour me dire qu’elle va bien. Je reste
à l’affût... Mais jusqu’à présent, je n’ai rien vu venir.
Miles ouvre la portière.
– Tu ne remarques rien ? lance-t-il sans me laisser le
temps de lui dire bonjour. Tu n’as pas intérêt à mentir !
Une fois de plus, j’aimerais pouvoir apprendre à mes
amis à dissimuler leurs pensées et à garder leur vie privée
pour eux. Mais ça m’obligerait à leur révéler mes secrets
de télépathe extralucide distinguant les auras et lisant à
livre ouvert dans l’esprit des gens. Totalement hors de
question !
– Si, tes beaux yeux noisette.
Miles monte dans la voiture, abaissant le rétroviseur
droit pour inspecter son menton dans le miroir.
– Menteuse ! Regarde, il est juste là ! On ne peut pas
le rater. Ça se voit comme le nez au milieu de la figure.
Je lorgne du coin de l’oeil en manoeuvrant pour sortir
de l’allée. Un bouton d’acné s’épanouit effectivement sur
son menton, mais ce sont plutôt ses ongles fuchsia qui
retiennent mon attention. J’éclate de rire.
– Pas mal, tes ongles !
– C’est pour la pièce, marmonne-t-il en louchant sur
son bouton. C’est invraisemblable ! Dire que ça marchait
comme sur des roulettes. Les répétitions se passaient à
merveille, je connais chacune de mes répliques et même
celles des autres... Je me croyais fin prêt, et voilà... se
lamente-t-il, en désignant son menton.
Le feu passe au vert.
– C’est le stress, dis-je.
Il me lance un regard inquiet.
– Justement ! C’est la preuve que je ne suis qu’un amateur.
Les pros, les vrais ne sont pas stressés, eux. Ils laissent
libre cours à leur inspiration créatrice, et... ils créent. Et
si je n’étais pas fait pour ça ? J’ai peut-être décroché le
premier rôle par un simple coup de chance ?
Drina prétendait avoir influencé le metteur en scène
pour faire pencher la balance en faveur de Miles. Mais
même si c’était vrai, cela ne signifiait pas forcément qu’il
n’avait pas de talent.
– Ne sois pas ridicule. Plein d’acteurs ont le trac. Si tu
savais les histoires que Riley me...
Je m’arrête in extremis. Dire que j’étais sur le point de
divulguer les cancans glanés par ma petite soeur défunte,
qui s’amusait à espionner les stars de Hollywood...
– De toute façon, tu te tartines de fond de teint, non ?
– Oui. Et alors ? La pièce, c’est vendredi, c’est-à-dire
demain, je te signale. Ce truc ne partira jamais d’ici là.
– Peut-être, mais tu pourrais le camoufler sous du
maquillage ?
Miles lève les yeux au ciel.
– Génial, pour que j’aie un énorme furoncle à la place ?
Tu as vu ce truc ? C’est impossible à cacher. Il a son propre
ADN, et même une ombre, je parie !
Une fois sur le parking de l’école, je me gare à ma place
habituelle, à côté de la BMW rutilante de Damen. Soudain,
une force irrésistible me pousse à effleurer le menton
de Miles. Comme si mon index était mystérieusement
attiré par son bouton.
Miles s’écarte avec une grimace.
– Qu’est-ce que tu fabriques ?
– Attends... ne bouge pas !
Je n’ai aucune idée de ce que je fais, ni de l’intention
qui m’anime. Comme si mon doigt avait sa volonté
propre.
– Pas touche ! s’écrie Miles à l’instant où mon doigt le
frôle. Alors là, bravo, génial ! Maintenant il va doubler de
volume.
Il descend de voiture, furieux.
Je suis un peu déçue que son bouton ne se soit pas
miraculeusement volatilisé.
J’espérais avoir acquis une sorte de pouvoir de guérison.
Ayant accepté mon destin d’immortelle et commencé à
boire la fameuse potion rouge, je devais m’attendre, selon
Damen, à quelques changements – accroissement des
facultés psychiques (ce qui ne me dit rien qui vaille), amélioration
des capacités physiques (pratique, en cours de
gym !). Ou n’importe quoi, le pouvoir de guérison, par
exemple – génial, si vous voulez mon avis. Bref, j’espérais
quelque chose d’extraordinaire. Or, pour le moment, je
n’ai gagné que deux centimètres, ce qui m’oblige à me
racheter un jean. J’aurais dû le faire un jour ou l’autre, de
toute façon.
J’attrape mon sac, sors de la voiture et embrasse langoureusement
Damen à la seconde où il arrive près de moi.
Miles pointe vers nous un index accusateur.
– Sérieusement, ça ne peut plus durer !
Nous nous écartons l’un de l’autre, interloqués.
– Oui, c’est à vous deux que je parle, ajoute-t-il. Tous
ces bisous, ces câlins, ces petits secrets chuchotés à l’oreille !
Je pensais que ça vous passerait. Enfin, ne le prenez pas
mal, nous sommes tous très contents que Damen soit
revenu parmi nous, que vous vous soyez retrouvés, et bien
partis pour vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants.
Mais il serait peut-être temps de vous calmer un peu en
public, non ? Parce qu’il y en a d’autres qui sont carrément
en manque, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué.
J’éclate de rire, pas vexée pour un sou. Je sais qu’il est
mort de trac et que cela n’a rien à voir avec Damen et
moi.
– Tu es en manque, toi ? Et Holt, alors ?
– Holt ? Ne me parle pas de Holt, Ever ! Plus jamais,
d’accord ?
Sur ces mots, il tourne les talons et file rejoindre Haven
qui l’attend à la grille.
Damen me prend la main, entrelace ses doigts avec les
miens et me couve d’un regard enamouré, malgré l’épisode
de la veille.
– Qu’est-ce qui lui arrive ?
– C’est la première de sa pièce, demain. Il est mort de
trouille et commence à péter les plombs. En plus, il s’est
découvert un bouton sur le menton et a décidé que c’était
de notre faute.
Miles attrape Haven par le bras et l’entraîne vers leur
classe.
– On ne leur parle plus ! s’exclame-t-il en nous regardant
par-dessus son épaule. C’est la grève du silence,
jusqu’à ce que ces deux-là arrêtent de jouer les tourtereaux...
ou que mon bouton guérisse, au choix.
Je sais qu’il ne plaisante qu’à moitié.
Haven sautille en riant à ses côtés. Damen et moi
entrons en cours de littérature. Nous passons devant Stacia
Miller, qui lui adresse un sourire mielleux et tente de me
faire trébucher.
Elle lance son sac en travers de mon chemin, dans
l’espoir que je m’y prenne les pieds. C’est particulièrement
humiliant. Le sac se soulève et je le sens heurter le genou
de Stacia. J’éprouve une légère douleur, mais cela ne
m’empêche pas d’être fière de moi.
– Aïe ! pleurniche Stacia.
Elle se masse le genou et me lance un regard assassin,
même si elle n’a pas la moindre preuve de ma culpabilité.
Je l’ignore royalement et m’installe à ma place. C’est
plus facile à présent de passer outre. Depuis qu’elle m’a
fait renvoyer en m’accusant à tort d’avoir bu de l’alcool
dans l’enceinte du lycée, je m’efforce de l’éviter. Parfois,
cependant, je ne peux m’empêcher de lui rendre la monnaie
de sa pièce, c’est plus fort que moi.
– Tu n’aurais pas dû, me souffle Damen, la mine faussement
sévère.
– Oh, je t’en prie, tu veux tout le temps que je
m’entraîne à matérialiser des objets. On dirait que tes
leçons commencent à porter leurs fruits.
– C’est encore pire que ce que je croyais. Ce que tu
viens de faire, c’est de la psychokinésie. Tu n’as rien matérialisé
du tout. Tu vois tout ce qu’il te reste à apprendre ?
– De la psycho quoi ?
Je n’ai jamais entendu ce mot-là, mais dans la pratique
je me suis bien amusée.
Damen me prend la main, un petit sourire aux lèvres :
– J’ai pensé que...
Je consulte la pendule, il est neuf heures cinq.
M. Robins vient à peine de quitter la salle des profs.
– Vendredi soir, tu aimerais aller dans un endroit...
spécial ?
– L’Été perpétuel ?
Je regarde Damen avec espoir. Mon pouls s’accélère. Je
meurs d’envie de retourner dans ce lieu magique, quasi
mystique. La dimension d’entre les dimensions, où je peux
matérialiser des océans et des éléphants, déplacer des objets
bien plus importants que des projectiles en forme de sac
Prada. Mais j’ai besoin de Damen pour m’y rendre.
– Non, pas l’Été perpétuel. On y retournera bientôt,
promis. Je pensais à quelque chose comme... je ne sais pas,
moi, l’hôtel Montage, ou encore le Ritz ?
– Vendredi, c’est la pièce de Miles, et j’ai promis d’y
assister !
L’Été perpétuel m’a fait complètement oublier Miles et
le théâtre. Mais maintenant qu’il s’agit de passer la nuit
dans l’un des hôtels les plus chic de la ville en compagnie
de Damen, la mémoire me revient subitement.
– Après le spectacle, alors ? Non ? Bon, aucune importance.
C’était une idée comme une autre, s’empresse-t-il
d’ajouter en remarquant que j’hésite, les lèvres pincées,
cherchant désespérément une excuse plausible.
Je ne sais que répondre. Il faut que j’accepte, j’ai envie
d’accepter. Une petite voix dans ma tête me crie : « Dis
oui ! Fonce, sans regarder en arrière ! Saisis ta chance !
Vas-y, c’est le moment ou jamais, dis oui ! »
Il est temps d’avancer, j’en suis convaincue ; et même
si j’aime Damen de toute mon âme et suis bien décidée à
oublier son passé et sauter le pas, je m’entends dire tout
autre chose :
– On verra.
Je détourne les yeux pour éviter son regard, au moment
où M. Robins entre en classe...

Voilà c'est fini :( Mais bon !! On a plus qu'à patientez jusqu'au 3 Mars et ce sera bon !!

 

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C
<br /> merci je viens de commencer la serie  et je voulais commencer le 2 grace a toi c possible !!! bref merci<br /> <br />
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S
<br /> Eternels 2 sera en libraire le 11 mars<br /> <br /> silvana<br /> <br /> <br />
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K
<br /> coucou ma leati dsl pas le ten malheureusement de lire ces chapitres surement merveilleux passé pr te faire un ti coucou javé pommé tn adress de blog snif snif mais g retrouvé domage tu ne te<br /> conecte plu a msn bix att de tes news<br /> <br /> <br />
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L
<br /> Coucou  kate =) =) C'est vrai que je ne me co plus trop :S Mais je te donne de mes news par mail promis ! <br /> <br /> <br />